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Test Dragon Quest : Realms Of Reverie

« Aventure » est un mot galvaudé aujourd'hui. Désormais, on l'emploie pour tout et n'importe quoi, que ce soit participer à un programme de real-tv ou pour parler d'une relation amoureuse sur un site internet de rencontres. Aujourd'hui, tout se vaut sur le marché de l'héroïsme. Heureusement, Dragon Quest est là pour remettre un peu de sens dans la quête.

Ce rêve bleu

Dragon Quest : Realms Of Reverie
Il y a dans cette sixième aventure un parfum d'accomplissement. Déjà, il y a le simple fait de poser le jeu sur l'étagère à côté des deux autres remakes de la saga, la jaquette parfaitement alignée comme quand on termine une collection. Ces Dragon Quest sur DS, ça sera pour beaucoup comme la découverte d'une trilogie culte du cinéma directement en « hache-dé », sans passer par l'étape des cassettes VHS à l'image qui grésille. Critiques élogieuses, fans comblés ; malgré tout ça, il se dégage de chacun de ces jeux une forme de modestie, proche de l'ouvrier devant le travail accompli. « Tu veux de l'aventure ? On va t'en donner » semblent promettre les jaquettes toujours religieusement dessinées par Akira Toriyama. À moins que ce ne soit plus que l'œuvre exclusive de son studio Bird, qui nous cache habilement l'enlèvement du dessinateur par des extra-terrestres, planqué qu'il est façon J.D.Salinger. Perpétuer les traditions sans faire de vagues, c'est vraiment la tâche de ce dernier volet d'une trilogie.

« Difficile de passer derrière une "fiancée céleste" de toute beauté »

L'illusion, la rêverie, on est en plein dedans et Realms of Reverie (son titre occidental) commence tambour battant. Le héros allait justement mener le combat de sa vie. Accompagné de Mireyu (sans doute Mireille chez nous, comme celle qui nous chante « les mille colombes ») et d'Hassan le costaud de service, ils vont rejoindre à dos de dragon le château de Mudo le roi-démon. Évidemment, il n'y aurait pas de jeu si c'était si simple. Quelques minutes plus tard, les voilà éparpillés dans le monde, la mémoire passée au Kärcher magique. Déjà que le héros ne parlait pas des masses, il n'a maintenant plus rien à dire. Il doit croire en la bonne foi d'une fille à la chevelure aussi bleue que la sienne qui se présente comme sa sœur. Contrairement à Dragon Quest V ou VII, on est tout de suite dedans. Très tôt dans le jeu, notre amnésique va tomber dans un trou, en fait une véritable faille dimensionnelle. Au bout de la chute, un autre monde, très proche du sien mais alternatif, où quelques détails significatifs changent. Des châteaux démolis, des gens plus sympathiques, des passages plus praticables... Pareil qu'en haut, mais en un peu différent. Deux mondes à explorer, le temps de recomposer sa mémoire.
Dragon Quest : Realms Of Reverie
Attention, les mondes parallèles dans les jeux vidéo, on en trouve aussi facilement que de la poussière dans un grenier. De Zelda à Chrono Cross, chacun y est allé de son « Dark World » avec plus ou moins de réussite. Mais en 1995, date de sortie du Dragon Quest VI original sur Super Famicom, il y avait là un certain panache. Cette année-là, les gens avaient les yeux braqués sur la Saturn et la PlayStation qui allaient souffler leur première bougie. Le même mois sortait le premier Tales of, ainsi que le premier Suikoden. DQVI fut un énorme carton malgré sa cartouche archi-coûteuse. Mais avec le temps, les sondages de popularité et les fans japonais ont pris l'habitude quasi unanime de dire de cet épisode « qu'il était bien mais bon... » Difficile de passer derrière une "Fiancée Céleste" de toute beauté. Cet épisode est même resté inédit plus de 15 ans sur la console 16 bit de Nintendo, ce qui est un record en soi, à notre époque où les remakes déboulent presque aussitôt le stock de l'original écoulé. Voici donc l'occasion de faire ou de refaire connaissance.

Mobilité de l'emploi

Dragon Quest VI développe un système basé sur les jobs. Là, déjà, une centaine de lecteurs hausseront les épaules. C'est vrai que ça aussi, on en a vu des caisses, Final Fantasy et Dragon Quest menant la caravane. Même le récent Dragon Quest IX ! C'en est même devenu la case « dernier recours » quand les développeurs n'ont plus d'idées. « Bon, tu nous bricoles vite fait un système de job, avec des magiciens, des alchimistes et surtout des ninjas et c'est marre », est devenu le crédo de n'importe quel système un peu paresseux. Là encore, en 1995, Dragon Quest proposait une version propre de ce qui avait été gribouillé les années d'avant. Même formule aujourd'hui. Elle a naturellement un peu perdu de son originalité avec l'âge ; mais pour l'époque, il faut bien avouer qu'elle était sacrément bien goupillée. Pépère. Prônant déjà le libéralisme puisqu'on peut changer indéfiniment de classe avec facilité, chacun des membres de l'équipe (même les slimes - ou « gluants » chez nous - !) pourront devenir tour à tour prêtre, guerrier, voleur ou paladin. Combats faisant, on finit par monter de niveau ces professions pour ensuite en acquérir ad vitam les bénéfices.

Dragon Quest : Realms Of Reverie
Comme ça, pas de soucis, un bourrin tapant à mains nues pourra toujours se remettre un peu de vie. Bien entendu, on est un peu dirigé dans nos choix par les orientations naturelles des personnages. Par exemple, on jouira plus facilement du potentiel du gros Hassan en l'orientant « Battle Master » et non pas « Danseuse ». Mais pas question de se mitonner des « Grobills » tout de suite, Enix avait prévu le coup en rajoutant quelques handicaps. Il vous faudra revenir à chaque fois dans le temple de Dharma pour changer de job. Ça, ça va, un simple sort de téléportation et c'est résolu. Non, le vrai défi, c'est que les ennemis trop faibles ne vous rapporteront aucun point. Un peu comme dans les MMORPG, il y a des crans à passer. Si vous êtes trop fort, vous n'aurez plus rien à tirer de vos adversaires. Alors, pas la peine de faire le fier à butter du slime tout pourri, il n'y a pas grand-chose à y gagner. Mais le plus gros obstacle, c'est la longueur du processus, genre bien long. Chaqueboulot met en moyenne 200 combats valables pour arriver à son maximum et vous débloquera parfois les jobs avancés. Un petit coup de calculette vous le confirmera : il faudra plus de 2300 combats pour recevoir, comme n'importe quel participant de Koh Lanta, le titre officiel de « héros ».

Et encore, c'est seulement si vous ne faites pas fausse route dans vos orientations en vous disant que « paladin, c'est le chemin obligé ». Car pas du tout, pour devenir un « Héros », il faut devenir une « Super star », qui ne s'obtient qu'en maximisant « Danseuse » et « Playboy ». 500 combats dans la face. « Ranger », croisement de « Voleur » et de « Chasseur de monstre » ? 600. Boom, dans la face ! 2300 en tout, la durée de vie est assurée, même en jouant en vitesse maxi (celle des connaisseurs). Heureusement qu'on peut jouer dans les transports en commun ou dans les WC ; car avant, sur Super Famicom, il fallait jouer sur sa télé, se trouver un bon coin pour faire du level-up et zapper de temps à autre sur la chaine info pour voir s'il ne se passe rien dans le monde pendant ces longues heures. À l'époque, chacun avait sa propre méthode.

Dragon Quest : Realms Of Reverie
Dragon Quest : Realms Of Reverie
Dragon Quest : Realms Of Reverie
Dragon Quest : Realms Of Reverie


« Realms of Reverie surprend par la liberté qu'il accorde au joueur, vers la moitié de la partie »

Techniquement, on est dans l'ordre de la formalité. Avant, c'était austère ; aujourd'hui... ça le reste. Le moteur est le même que pour les deux jeux DS précédents qui avait lui-même été repris de précédentes rééditions sur PSOne. C'est encore plus fluide et il y a une certaine majesté à jouer, peut-être pour la dernière fois sur DS, avec les boutons L et R pour afficher les donjons dans leur verticalité. Trop classe. Petites gueules Toriyamesque, bande-son du bon vieux Sugiyama parfaitement réorchestrée, ça passe tout seul. La classe JRPG, à l'ancienne. Square Enix a pensé à rajouter son système du « Surechigai » qui avait cartonné dans Dragon Quest IX. Même en les mettant sur veille, le clapet fermé, nos DS communiquent entre elles : on va ainsi visiter les autres cartouches et déposer sa carte de visite d'aventurier chez les autres. Cette fonction ne sera accessible qu'à la fin du jeu et n'aura d'intérêt que si l'on rencontre des dizaines d'autres joueurs dans le métro ou au camping. Au Japon, c'est jackpot vu que les ventes dépassent le million mais c'est pas gagné ailleurs.

Pour le reste des modifications, c'est anecdotique, genre le mini-jeu de curling. Sans rire. Seul vrai bémol de ce portage, le système de recrutement de monstres a été revu à la baisse. On ne peut plus dresser que des slimes et leurs dérivés, officiellement pour des histoires de taille de cartouche. Ok, d'accord, ils ne sont pas essentiels au jeu, mais du coup l'illustre carriole ne sert vraiment qu'à mettre la poignée de personnages facultatifs que l'on aura recrutés. Facultatif, le mot est lâché. Ils ne sont pas rares, les RPG qui vous proposent de redécouvrir le monde en volant de villes en donjons, avec une équipe de demi-dieux désormais si puissants qu'ils sont capables de « poutrer » 5 boss sans cligner de l'œil. Dragon Quest a toujours été une série connue pour sa linéarité old school, à l'image de ses histoires, simples mais efficaces. La mécanique est ici si efficace qu'on en oublierait presque que cette aventure manque un peu de liant, de némesis fort, de ces petits éléments canoniques qui distinguent les grands RPG des œuvres cultes.

Car Enix fait avec DQVI un grand saut. Realms of Reverie surprend par la liberté qu'il accorde au joueur, dès la moitié de la partie. Il pourra un peu voler à bord d'un tapis magique ou même plonger tout en maintenant l'illusion du choix de sa propre destinée. Plus riche qu'un QTE sous une pluie lourde [NDLR : Avez-vous vu la fine allusion à un titre PS3 ?] mais sans être non plus un JRPG bac-à-sable fantasmé. On se tape donc un véritable tour d'honneur de l'héroic-fantasy à la japonaise et DQVI arrive alors à une apogée presque zen du haut de sa confortable durée de vie (Square Enix a eu la gentillesse de rajouter un chrono, absent il y a 15 ans). Et le plus classe, c'est que malgré des heures d'errance sans F.A.Q à essayer de recouper les indices donnés dans des coins perdus, à se perdre dans le monde du haut et à se reperdre en bas, les combats sont toujours aussi bien calculés pour ne vous laisser la victoire que du bout des doigts. Un travail d'orfèvre.

Conclusion

C'est avec une certaine fierté qu'on termine le dernier épisode de cette trilogie sur DS. Pas de grosses ficelles, de twists absurdes, Dragon Quest VI Realms of Reverie préfère jouer sur l'ambivalence de l'illusion et de la réalité, lui donnant ainsi un caractère au moins aussi mélancolique que ses prédécesseurs taillés dans la même pierre. Même système calibré, même durée de vie : l'efficacité brute. En fait, le seul souci de cet épisode, c'est d'être un « fils-de », toujours comparé à son père. À part cet Oedipe, on a entre les mains un jeu de rôle japonais old-school comme on les aime, du festin 5 étoiles. Excellent, pour toujours.


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Dragon Quest : Realms Of Reverie
Square Enix
5
Realisation 3/5 3/5 3/5 3/5 3/5
Prise en main 3.5/5 3.5/5 3.5/5 3.5/5 3.5/5
Durée de vie 4.5/5 4.5/5 4.5/5 4.5/5 4.5/5
 



15/04/2010
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