Quand on évoque Alice Au Pays Des Merveilles, certains pensent immédiatement au chef-d'œuvre de Lewis Caroll, d'autres se repassent dans leur tête les passages cultes de l'adaptation en dessin animé faite par Walt Disney. Enfin, les derniers songent au film de Tim Burton. Et c'est justement de cette dernière œuvre dont il s'agit aujourd'hui avec cette adaptation sur la petite portable aux deux écrans de Nintendo. Maintenant, qui dit adaptation de film en jeux vidéo dit grosse déception en général. Le titre développé par le studio français Etrange Libellule annonce la couleur en précisant qu'il s'inspire du film de Tim burton. Est-ce une bonne nouvelle ?

Alice, elle a tout compris

Nous ne retrouvons pas Alice au début de ses aventures au Pays des Merveilles mais dix ans après les événements narrés dans le roman de Lewis Caroll. Tombant à nouveau dans l'Arrière-Pays, elle n'en trouve plus que ruine et désolation. Le gigantesque Jabberwocky dévaste tout sur son passage. Mais il est écrit que seule Alice peut sauver ce monde. Le Lapin Blanc est parti la rechercher et maintenant qu'ils sont réunis, il va falloir trouver les trois autres compagnons de route. Tous ensembles, ils doivent protéger Alice des sbires de la Reine de Cœur et se frayer un chemin dans le labyrinthique Arrière-Pays.

Dans ce jeu mêlant action, plateformes et réflexion, nous ne contrôlons pas directement la jeune Alice. En fait, les deux seules actions que nous pouvons accomplir avec elle sont de lui dire de nous attendre ou de nous suivre. Nous sommes chargés de sa protection et pour cela nous dirigeons au choix le Lapin Blanc, la Chenille, le Chat-du-comté-de-Chester et le Chapelier fou. Alice, quant à elle, se contente de nous suivre gentiment et nous demande de l'aide pour franchir un précipice, grimper sur une élévation un peu haute et pour se battre contre les hommes de main de la Reine.



Bien entendu, nos héros ne sont pas immédiatement présents et nous devons partir à leur recherche en compagnie d'Alice et du Lapin Blanc. Toutes les actions se font au stylet et la maniabilité est à toute épreuve ; tous les mouvements réalisables s'accomplissent avec une précision redoutable et très rarement prise en défaut. Marcher, courir, sauter, se protéger, charger, rouler, attaquer se fait le plus simplement et le plus intuitivement possible. Chaque personnage disposant d'une action et d'un coup spécial, leur activation est la seule manipulation qui demande d'appuyer sur n'importe lequel des boutons de la console. L'interface est, à l'image du jeu, d'une sobriété efficace et la sélection du personnage avec lequel nous désirons avancer se fait très simplement. Une bascule d'écran permet de passer de l'action aux autres options rapidement.


Cela permet notamment d'accéder au monde de l'Arrière-Pays. Ce dernier est en morceaux et, en effet, sa représentation est celle d'un puzzle. Tout au long de notre exploration, nous devons dénicher des pièces représentant les différentes parties de l'Arrière-Pays. Il convient alors de les assembler correctement afin de faire communiquer les portes pour accéder d'une zone à une autre. Toute la subtilité consiste à faire coïncider des pièces qui ne sont pas à leur bonne place, mais qui permettent de débloquer les portes pour avancer. Alors que toute l'action se passe sur l'écran du bas, celui du haut affiche le plan de la zone ainsi que les objectifs à atteindre. Il précise également le nombre de coffres présents tout comme celui des pièces de puzzle. Enfin, la liste des objectifs réalisés et celui en cours est accessible.

Chapeau ! Alice a posé un lapin à une chenille en peau de chat...

Comme nous l'évoquions un peu avant, chaque personnage dispose d'une capacité particulière. Cette dernière nous permet d'atteindre des zones inaccessibles. Ces pouvoirs spéciaux sont la source de toute une série d'énigmes disséminées dans le monde. Ainsi, le Lapin Blanc a la possibilité de stopper le temps, de l'accélérer ou de le remonter ; la Chenille permet d'inverser le sens de déplacement haut bas ; le Chat-du-comté-de-Chester rend visibles ou invisibles certains éléments ; enfin, le Chapelier fou permet de passer à l'envers du décor. Parfaitement bien pensée et originale, chaque énigme est un véritable régal. De même, régulièrement durant notre voyage il faudra souffler dans le microphone pour interagir avec l'environnement. L'inventivité des développeurs est jouissive et le tout démontre une réelle maturité dans la conception du level design du jeu, particulièrement inspiré.



Visuellement, Alice Au Pays Des Merveilles est un petit régal pour les yeux. Non pas parce qu'il nous en met plein les mirettes avec des milliers de couleurs, mais justement en raison d'un rendu d'une sobriété efficace matinée d'une charte graphique bien dans l'esprit de celle du film. Avec ses décors aux architectures noires torturées, bancales et anguleuses faisant penser à des ombres chinoises, les développeurs s'en sont donnés à cœur joie pour multiplier les détails et les formes suggérées laissant place à l'interprétation de l'imaginaire du joueur. Le peu de couleurs est exploité pour les fonds donnant à chaque nouvelle zone une atmosphère propre. Les arrière-plans très estompés finissent de créer l'effet de profondeur et eux aussi offrent régulièrement leur lot de subtilités et d'animations. Nos personnages bien plus colorés ont également bénéficié de cette patte artistique stylisée pour un rendu original des plus mignons et sont parfaitement intégrés aux décors. Un code couleur qui identifie clairement quel héros utiliser pour résoudre les énigmes, la zone d'interaction étant alors baignée d'un halo d'une couleur identique (mauve, bleu, vert ou orange).


Pour ne rien gâcher, les animations ne sont pas en reste. Chaque personnage bénéficie d'une palette de mouvements très complète, détaillée, originale et souvent amusante. Alice écarquille ses grands yeux à l'arrêt, sautille en riant quand elle se déplace, pousse un cri de peur et s'enfuit en voyant les gardes attaquer, saute et se rattrape à l'un des personnages. Le Lapin Blanc, la Chenille, le Chat-du-Comté-de-Chester et le Chapelier fou profitent tous d'une panoplie d'animations toutes plus agréables les unes que les autres. Si bien que l'on finit rapidement par s'attacher à l'un plus qu'à l'autre, non pas en raison de leur personnalité, mais justement parce que leurs déplacements nous plaisent. Les adversaires et autres créatures rencontrées ne sont pas en reste également. Le Chapelier fou permet de passer dans l'envers du décor dans un effet de transition très soignée, l'ensemble de l'environnement commençant à se tourner avant de basculer de l'autre côté. Selon les situations, un effet de zoom sur l'action ou de dézoome donne du dynamisme à l'exploration et à l'action durant les combats. Véritablement du très bon travail a été réalisé. Et un soin qui se retrouve jusque dans le menu d'accueil travaillé comme l'amorce d'un film sur DVD. Chapeau bas !

Chaque zone est assez vaste. L'exploration complète demande d'utiliser à bon escient les spécificités de nos personnages pour découvrir de nouveaux pouvoirs, des illustrations et des bonus augmentant notre pouvoir (jauge verte) ou notre vie (série de cœurs). De nombreux coffres parfois bien cachés recèlent des bonus et des illustrations. Certains d'entre eux sont colorés (d'une à quatre couleurs) et demandent alors de trouver dans l'environnement qui nous entoure des objets de la même couleur. En effet, il convient alors d'utiliser la caméra de la DSi pour cibler la/les couleurs de l'objet afin d'ouvrir le coffre. Ce système est très efficace en raison du large spectre de couleur exploité qui accepte des nuances proches de celle requise. D'un autre côté, seuls les possesseurs d'une DSi pourront profiter de cette option. Mais cela ne donne accès qu'à des illustrations supplémentaires donc rien de bloquant pour ceux n'ayant pas la DSi.


Il est même possible de placer un point d'interrogation sur la carte pour indiquer un endroit où il faudra interagir plus tard. Le tout est accompagné par une musique très agréable et collant parfaitement à l'ambiance. Il est dommage cependant qu'elle ne se limite qu'à une seule et unique mélodie. Les bruitages, quant à eux, font également dans la sobriété, laissant la part belle aux sons des coups, aux appels à l'aide et aux cris de terreur d'Alice. Cette absence de profusion de bruitages ne dénote pas et reste en harmonie avec la sobriété délibérée du titre d'Etrange Libellule. Pour en terminer avec une réalisation particulièrement bien soignée, les temps de chargements sont quasiment inexistants et le système de sauvegarde très rapide ne hache nullement le rythme du jeu. Nous pouvons tout de même regretter le manque de boss dans le jeu et leur relative simplicité, de même que le manque de variété dans les créatures et adversaires rencontrés. Les affrontements étant tous identiques seul le nombre de vagues d'ennemis de plus en plus important vient les rallonger.

Conclusion

Avec Alice Au Pays Des Merveilles sur Nintendo DS, Etrange Libellule signe une libre adaptation du film de Tim Burton de grande qualité. Avec sa réalisation particulièrement solide, sa jouabilité à toute épreuve et son atmosphère si particulière, le jeu est envoûtant et se parcoure avec énormément de plaisir. Les personnages sont tous attachants, l'univers développé est riche et les énigmes toujours originales. La preuve est faite qu'il est possible de réaliser une très bonne adaptation de film pour peu que le talent et la volonté de bien faire soient présents. C'est le cas ici, merci Etrange Libellule.

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