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Test Resonance Of Fate

Resonance of Fate (ou End Of Eternity au Japon) est le premier projet commun entre Tri-Ace, les rois du système de combat bien dense, et Sega - qui continue sur sa lignée de gros projets ambitieux en HD -. Le fruit de cette union est complètement atypique, très loin des canons du J-RPG traditionnel. La révolution est en marche.

Une nouvelle idylle


Sega est un éditeur décidément surprenant. Même sous les coups, la compagnie ne courbe pas l'échine, elle continue. Shenmue n'a pas marché ? Pas grave, Yakuza cartonnera au Japon à un rythme annuel. Des années de scoumoune accrochées à Phantasy Star Online ? La version PSP s'est vendue par palettes entières. L'ambitieux Valkyria Chronicles se mange un bide ? Même pas mal, le deuxième arrive quand même, mais sur PSP.

2009 fut un bon cru pour l'éditeur qui s'est permis le luxe de changer de partenaires et d'enrichir son carnet d'adresses. Il y a d'abord eu PlatinumGames et ses désormais célèbres Bayonetta et MadWorld. Dans la liste d'amis de Sega, il y a désormais Tri-Ace. Éternellement inféodé à Enix, la boîte aux jeux de rôle très « action » s'est permis de découcher. « Mais sans tromper » diront ses dirigeants qui terminent également Star Ocean 4 sur PS3. C'est pour toutes ces bonnes raisons sentant le souffre que Resonance of Fate incarne à sa façon un espoir du RPG nippon.



Des héros joyeux dans un monde désespéré

La première chose qui saute au visage, c'est l'univers du jeu. On est loin des mondes colorés de Star Ocean, Valkyrie Profile ou de Radiata Stories. Post-apocalyptique jusqu'au bout des ongles, Resonance of Fate promet des tracas pires que le réchauffement climatique à l'être humain. La Terre est devenue invivable et les hommes se sont cloitrés dans Basel, une cité à multi-strates. Les riches y vivent dans les étages supérieurs tandis que les pauvres croupissent dans les bas fonds, l'ascenseur social est décidément en panne. Il ne reste plus qu'une sorte de clergé pour redonner en apparence un peu de lumière à ce monde grisâtre.



Gris, Resonance of Fate l'est en tout point de vue. Même les personnages principaux donnent l'impression d'être recouverts d'un filtre maussade de crasse. Heureusement, ils sont très enjoués comme seuls les héros japonais savent l'être. Un beau jour (terne), Zephyr, encore ado mais bien rebelle, sauve la vie de la jolie Leanne (alias Reanbell en version japonaise). Depuis, ils ont rejoint Vasheron qui, malgré son nom qui évoque le fromage, dirige sa propre compagnie de mercenaires. Il est l'aîné mais ça ne l'empêche pas de faire des pitreries, de danser comme un imbécile et d'être passablement obsédé. Tous les jours, ils ont des missions à remplir. Certaines font avancer la trame du jeu, d'autres sont facultatives. Retrouver une petite fille égarée, prendre en photo des monuments ou déposer une lettre vous rapportera quelques grenades (!!) bien utiles ou un peu d'argent. C'est qu'il faut gagner sa croûte.

L'avantage d'un RPG à trois personnages, c'est qu'on se doute dès le début que ça se terminera avec les trois mêmes gars. Mais on aurait pu craindre qu'une mise en place aussi sinistre nous donne un scénario particulièrement noir avec des personnages dépressifs. Oui mais pas chez Tri-Ace. On retrouve la patte du studio dans tous les dialogues, tous les événements souvent ridicules qui désamorcent complètement la situation. Toutes les vannes de petites culottes et autres délices typiquement otaku sont bien là. Comme pour Star Ocean 4, ces moments qu'on dira pudiquement « décalés » font déjà le bonheur des forums nippons et de Youtube. C'est comme si le développeur avait cherché à atténuer tout le sérieux et la dignité que la situation imposait. Sans retenue aucune, le jeu va tracer de lui-même un fossé entre « pro » et « anti » qui n'auront sans doute pas la patience de goûter au gros morceau : le système de combat.

L'art de la guerre

Vous voyez Final Fantasy, Tales of, Dragon Quest et compagnie ? Niveau combat, Resonance of Fate se trouve exactement de l'autre côté de l'univers. Rien à voir donc. Tri-Ace, en vendant son projet à Sega, a voulu complètement remettre à plat les règles du jeu de rôle à la japonaise. On sent que, pour eux, l'ambiance, les personnages, tout ça, c'est du baratin. Ce qui compte depuis toujours pour Tri-Ace, c'est la technique, la technique et encore la technique. Ce sont des ingénieurs du combat, des gourous du « Système ». Rien à voir avec l'art martial russe, ce système est conçu pour vous accrocher. C'est le Graal qu'il faut choyer, protéger et mitonner. Et celui de Resonance of Fate ne ressemble à aucun autre. Cette post-apocalypse-là se jouera au flingue, comme dans les films de John Woo.



Far-West RPG ? Pas vraiment. On est loin de la série des Wild Arms, qui était en fait un véritable exosquelette de Western plaqué sur un RPG japonais tout ce qu'il y a de plus traditionnel. Resonance of Fate a plutôt une parenté avec Valkyria Chronicles, l'autre wargame révolutionnaire de Sega, dont il partage le goût pour le semi-temps réel. Les ennemis ne se gêneront pas pour bouger et attaquer pendant que vous essayerez de comprendre les trois milliards de jauges et de paramètres à l'écran. Certains jouent l'épure jusqu'à ne plus afficher d'informations à l'écran. Dans RoF, c'est l'explosion d'informations, des cibles, des chiffres, des barres de vie et tout un tas de trucs qui font « blip blip » dans tous les sens. Le plus important dans ces gunfights, c'est votre rapidité à viser. On braque son arme et on charge, le tout ponctué par des bruitages de stand de tir de fête foraine. Plus on est proche de sa cible, plus ça va vite. Un, deux, trois, peut-être même plus, votre charge déterminera la rafale que vous allez bazarder sur son adversaire. Si on se fait toucher pendant ce laps de temps, le coup est annulé, ce qui fait généralement passer le tour. C'est très irritant quand ça arrive, mais ce n'est pas encore à se flinguer.

Comme dans un Western, il faudra essayer de choper souvent les positions fortes. Un mur sera un abri idéal en cas de trop grosse fusillade ou de pilonnage par un boss. Et s'il y a une fenêtre, la contre-attaque sera même possible. Autre subtilité, il faudra apprendre « à passer le tour des personnages ». Comme aux échecs, il faut apprendre à gérer son tempo pour récupérer une position avantageuse. Une autre jauge vous indiquera quand vous ne pourrez plus vous déplacer ou tirer.

Resonance Of Fate
Resonance Of Fate
Resonance Of Fate

Subtilités de combat

Nouvelle composante d'un système qui va se compliquer à vue d'œil, Resonance of Fate fait le distinguo entre mitraillette et flingue. La première sert exclusivement à affaiblir tandis que le deuxième inflige du dégât réellement fatal. Oui, ça fait bizarre d'avoir une mitraillette qui ne peut pas tuer. Cela fait étrangement penser à Final Fantasy XIII, où la magie servait essentiellement à affaiblir ses adversaires. Seul un mélange habile entre mitraillette (le dégât bleu ou « scratch ») et le gun (dégât rouge aussi dit « tir direct ») pourra affaiblir les boucliers et tuer les ennemis. Mais les dégâts bleus, si on ne remet pas très vite une rafale de flingue derrière, s'estompent assez vite. Merci le temps réel. Il existe aussi des grenades ou cocktails Molotov qu'on pourra acheter ou alors fusionner à partir d'autres éléments récupérés en chemin. Allez, maintenant on va compliquer sauvagement la sauce.


Fini de rire avec la jauge d'« I.S ». Ces petits prismes dont le nombre augmente au fur et à mesure de vos gunfights vous permettront de lancer une « Invincible Attack ». Une fois votre itinéraire déterminé, votre personnage se lancera dans une course effrénée où il sera quasi invincible. Pendant ce laps de temps, on pourra sauter et surtout allumer les différents adversaires sur son chemin. Cette attaque invincible est particulièrement impressionnante, puisque Zephyr et ses amis dansent littéralement et virevoltent dans les airs tout en alignant les ennemis. Une vraie chorégraphie de film d'action. Malheureusement, cette attaque est limitée. Une fois la jauge vidée, nos trois personnages se transforment en minables. Ils courent comme des idiots, sont vulnérables et cet état sera le prélude d'une de vos nombreuses morts.

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Il existe un moyen pour la remplir à nouveau : tuer ses adversaires ou au moins percer leurs épais boucliers. En gros, il faut calculer son coup pour ne jamais tomber à court d'I.S. Evidemment, si la vie d'un de vos héros tombe à zéro, « paf! », votre jauge descend drastiquement. Cette technique qui vous rend invulnérable peut donc aussi vous faire mourir à tout moment. On pourra balancer une attaque combinée, dite « Resonance ». Mais la placer efficacement est aussi compliqué que de marcher sur les mains sur des cendres brûlantes. Bon, n'exagérons rien : c'est possible dans l'absolu. Mais cela vous demandera énormément d'efforts et d'entrainement pour arriver à quoi que ce soit.

Mais quand la logique de ce système est enfin assimilée, on sourit. On a l'impression d'avoir découvert le radium tout seul dans son jardin. C'est mathématique : le jeu ne pardonnera jamais l'erreur. Il faut toujours être prêt, avoir le bon objet, au bon moment, qui va vous donner le petit plus qui va faire basculer les duels. De mémoire de joueur, on a rarement vu un jeu recommander autant de lire la documentation. Le didacticiel (pas forcément génial) exige plusieurs dizaines de minutes pour tout comprendre. Et même après des dizaines d'heures de jeu, on trouvera toujours de nouveaux obstacles qui rendent la situation intolérable.



Un défi insurmontable ?

Rebutant. Ahurissant de difficulté. Mal dosé. Pas testé. Fini à la bière. C'est ce qui vient à la tête quand, vert de rage, on lance sa manette en insultant sa console. C'est parfois si dur qu'on se demande s'il ne s'agit pas d'un bug ou si la console a bien téléchargé une éventuelle mise à jour. Soyons clairs : Resonance of Fate est plus difficile que la difficulté même. On a rarement vu un RPG japonais médiatisé aussi abrupt depuis des années. Voici en quelques phrases, ce qui pourrait ressembler à une note de service du département « debug&test » de Sega.

Tout d'abord, les niveaux d'expérience n'arrivent qu'au compte-goutte. On passe un niveau par arme, ce qui oblige au début à s'échanger les armes entre personnages. Durant les premiers niveaux, on ne peut même pas acheter des grenades et, de toute manière, seul un de vos persos pourra s'équiper pour en balancer. Le début est dur, promis. Les ennemis disposent de boucliers surpuissants. Des rafales de flingues à bout portant ne suffiront pas pour les abattre. Et là, il faut avoir la jugeote d'équiper le bon objet au bon moment, l'inventaire étant inaccessible en phase de combat. Crise de nerfs assurée devant un boss.



Vous le savez maintenant, la perte des points d'I.S (à trop faire d'Invincible Attack) change les héros en mauviettes, qui se font rapidement humilier. Un jeu normal devrait aider le joueur dans la difficulté, pas l'enfoncer. Il est donc très rare de survivre à la perte de ses points d'I.S. Du coup, on perd, on fait « Continue ». Mais pour faire ça, on doit payer, et c'est facturé aussi sûrement que le Trésor Public. On n'y échappera pas. Les failles dans ce système génial sont multiples. Un item bien utilisé, une balle explosive équipée à temps peut renverser tout un duel. Mais Tri-Ace aurait pu être encore plus vicieux en ajoutant des tirs alliés... Ouf de soulagement dans la foule. Les combats sont longs. Il n'est pas rare de jouer des heures pour rien, sans monter son XP. Et les chances de survie s'amenuisent à mesure que les combats s'éternisent. De fait, la durée de vie est gigantesque, et la replay value (« rejouabilité ») au rendez-vous. Au Japon, le jeu s'appelle End of Eternity. Ce n'est malheureusement qu'une référence au bouquin de SF d'Isaac Asimov, pas à ces combats qui durent décidément des plombes.

Un jeu d'ingénieur

Tri-Ace a aussi développé un système pour la carte en dehors des villes. Cela avait tout d'un coup de grâce mais non, revenez ! Ne fuyez pas ! C'est aussi génial et un peu moins tordu que les combats. Une fois votre base quittée, vous vous retrouverez dans un monde étrange décomposé en cartes ressemblant étrangement à celles des wargames. On récupèrera des hexagones énergétiques qui vous serviront à ouvrir des emplacements sur la carte, ce qui cache parfois des trésors. Une fois le terrain déblayé, vous pourrez vous balader jusqu'aux différents emplacements et objectifs. On pourra même relier des générateurs et « énergétiser » le terrain, ce qui octroie des bonus non négligeables quand on se farcit les donjons.



Il ne reste plus qu'à dérouler le tapis pour parler du reste, à savoir la customisation, passage obligatoire quand on manie des armes du futur. Lunettes de visée, chargeurs, balles explosives ou électromagnétiques... Y'a tout sauf des vrais silencieux, bizarre. On assemble les différents éléments sur son arme un peu comme un puzzle. Avec des dérivateurs et des prolongateurs, on arrive à empiler les add-ons. À la fin du jeu, le schéma d'un gun n'a ni queue ni tête. Mais bon, on ne refusera pas quelques bonus de tir. L'autre passage obligé, ce sont les objets que l'on a récupérés qu'on va fusionner et parfois démonter pour en récupérer les matières premières. Enfin, on pourra entièrement changer les vêtements de nos 3 mercenaires. Ça n'a l'air de rien, mais pour certains joueurs, il est très important de pouvoir jouer à la poupée avec ses héros. Et puis, avec un accoutrement ridicule, les vidéos mises sur Internet sont assurées de faire autant de « buzz » que les scènes comiques.

En fait, à part son humour assez spécial, le seul réel problème de RoF, c'est sa difficulté mal dosée et disproportionnée. On dit souvent que les productions Tri-Ace souffrent de gros problèmes de calibrage. Les Star Ocean ont la réputation de vous faire tuer un dragon surpuissant pour se faire bouffer tout de suite après par un petit lapin mutant dans une plaine lambda. Ici au moins, on n'est pas pris en traitre, on sue dès le début. On risque sa vie à tout moment. Mais quand on ne s'arrache pas les cheveux, quand la situation désespérée des héros ne nous ulcère pas trop, quand on arrête de pester, finalement, on s'amuse vraiment beaucoup. Le système de combat est tout simplement si unique qu'il en est hypnotique. Pire : la joie de réussir est proportionnelle au mal qu'on a eu à tuer ces maudits boss. Tri-Ace a le sens de l'humour : quand on vient enfin à bout du jeu, le « New Game+ » offre enfin un choix de difficulté ! Resonance of Fate est un jeu de professionnels.



Conclusion

Resonance of Fate est un jeu rare. Il est aussi ingénieux qu'irritant. Son fond est bon mais son exigence est trop forte. Si la patience, la customisation et l'analyse de l'I.A. adverse ne sont pas votre tasse de thé, passez votre chemin. En l'état, il n'y a vraiment que les plus téméraires aventuriers à qui l'on peut recommander cet ovni. Koh Lanta, à côté, c'est pour les fillettes. Sur fond d'urbanisme décadent saupoudré d'humour japanim', Resonance of Fate s'est forgé une carapace rugueuse de difficulté telle qu'il en devient quasiment infréquentable. Chapeau bas, Tri-Ace, vous avez réussi à faire une perle inaccessible comme on n'en voyait plus depuis la Super Famicom. Un plaisir réservé à une élite de joueurs, au sens propre.

Jeuxvideo.fr






27/03/2010
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