Test Red Dead Redemption
Personne, à part Activision et son très décevant Gun, ne s'est encore risqué à proposer un monde ouvert au pays des cow-boys. Oui, celui du french cancan et des duels au colt, des rixes musclées entre les lourdauds éméchés du saloon et des balades au clair de lune à dos de canasson. C'est donc tout naturellement que Rockstar, auréolé du succès planétaire de GTA IV et détenteur de la sympathique licence Red Dead (chopée chez Capcom), s'attelle à cette tâche aussi redoutée qu'aguicheuse. Alors, Red Dead Redemption vaut-il les quelques pesos qu'il vous faudra débourser pour l'acquérir ?
Il était une fois dans l'Ouest
Quand John Marston arrive à Armadillo, c'est pour un dernier tour de piste. Cet ancien hors-la-loi, coincé par les autorités fédérales qui tiennent ce qu'il a de plus cher, est en effet chargé d'éliminer ses anciens compagnons d'arme. De l'état de New Austin en passant par la contrée mexicaine de Nuevo Paradiso pour finir par les montagnes forestières de West Elizabeth, John va devoir se plier en quatre pour satisfaire quiconque pourra l'aider dans sa tâche : en finir au plus vite avec son passé pour se tourner vers l'avenir et la vie d'humble fermier dont il rêve depuis toujours. Cette rédemption ne sera, vous vous en doutez, pas si simple à obtenir pour lui.
Le scénario, s'il peine à décoller, a le mérite d'offrir une vision correctement romancée de la fin de l'Ouest sauvage américain. Sans oublier d'aborder des thématiques aussi importantes à cette époque que le système économique qui se met en place ou l'importance du progrès dans la civilisation, Red Dead Redemption reste simple dans sa mise en scène, montrant les personnages tels qu'ils sont, dans la sobriété la plus crue. On laisse la part belle au dialogue, sans en faire trop niveau effets ou cadrage, mettant par la même en abime les rapports toujours très concrets entre les hommes à cette époque. Les échanges entre les personnages sont en effet souvent élémentaires, la plupart des enjeux secrets se cachant dans le non verbal. Très charismatique – cicatrices à l'appui – John est par exemple un héros de western typique. Taciturne et cynique, il reste conscient de ses limites intellectuelles et impose toujours un rapport sans fioriture aux gens qui croisent sa route. Accomplir des choses extraordinaires tout en aspirant à une vie qui ne l'est pas est sa pitance pour une vie de débauche et de délits qu'il regrette, la nostalgie n'étant malgré tout jamais bien loin.
Paradoxal, John semble flotter dans le monde de fous dont il sera le centre le temps de quelques heures. Entre le vieux nécro-maniaque et l'ethnologue raciste accroc à l'héroïne, le révolutionnaire mexicain coureur de jupons parait presque le plus saint de vos interlocuteurs d'un jour. Le panel de personnages que vous rencontrerez semble tout droit sorti d'un Leone ou d'un Peckinpah, pour leur humour ou leur violence, et Rockstar marque une nouvelle fois des points en n'omettant aucune référence en court de route. Les cinématiques, d'une sobriété voire d'une naïveté purement western, conservent tout de même la patte Rockstar et plus particulièrement celle de Dan Houser, une nouvelle fois derrière cette histoire que l'on pourrait aisément comparer à celle de Niko dans GTA IV.
« Change is only good when it makes things better »
Cette réplique, tirée de l'une des cinématiques du jeu, résume assez bien ce Red Dead Redemption. Rockstar n'a en effet pas bouleversé sa recette depuis GTA IV, en proposant un Red Dead Redemption largement comparable aux aventures de Niko Bellic dans le fond comme dans la forme. On est évidemment ici en face d'un monde ouvert gigantesque bourré d'éléments qui servent de près ou de loin au joueur dans sa quête, celui-ci enchainant à loisir les missions scénarisées et les activités annexes de différents types. On pourra s'adonner, dans les nombreuses mais petites villes qui fourmillent sur la carte, à différents mini-jeux (poker, poker menteur, black jack, lancer de fer à cheval, jeu du couteau en QTE, bras de fer) tous suffisamment intéressants pour que l'on y perde quelques minutes ça et là pendant nos longs trajets dans la nature. Celle-ci n'est d'ailleurs pas en reste au niveau des quêtes annexes, plusieurs défis permanents exerçant vos capacités de chasseur, de cueilleur ou de découvreur de trésors.
Mieux, de nombreuses petites missions apparaissent aléatoirement pendant vos cavalcades, vous permettant d'assoir votre réputation. Que vous décidiez d'être un bon samaritain ou un hors-la-loi redouté ne changera pas le scénario, mais vous donnera la confiance de la populace dans un cas (mission de défense, aide au citoyen en difficulté) ou celle de mécréant dans l'autre (kidnapping, missions de sauvetage de prisonniers...). Dans tous les cas, votre réputation augmentera obligatoirement au fil des heures de jeu, entrainant différentes réactions des badauds à votre arrivée en ville. On vous aime si vous êtes bons, on vous craint si vous avez opté pour le côté obscur du far west. Pour finir sur les quêtes annexes, évoquons les nombreux personnages étranges que vous croiserez à certains endroits bien précis. Ceux-ci vous demanderont toujours de leur rendre un quelconque service plus ou moins loufoque ou fastidieux. Il n'est pas nécessaire d'en finir une pour en activer une autre ; on prendra de fait un malin plaisir à les compléter dès que l'on se trouvera dans le bon coin de la map. Bien vu de la part de Rockstar, ce schéma permettant d'éviter les aller-retour obligatoires et fatigants.
Enfin, les missions scénarisées constituent évidemment le nerf de la guerre de cette partie solo. Variées dans le fond comme dans la forme, elles vous proposeront d'attaquer ou de défendre une position, de nettoyer un village fantôme ou de ramener une dévastatrice gatling cachée au fond d'une grotte, d'escorter un train, d'assassiner quelqu'un ou même d'emmener paître un troupeau de vaches. Globalement très violent, Red Dead Redemption n'en oublie néanmoins pas de vous faire cravacher comme un fermier, occasionnant de bons bols d'air frais entre deux fusillades frénétiques. Additionnée aux quêtes annexes évoquées précédemment (nous avons d'ailleurs oublier de citer les duels en pleine rue ou encore les chasses à l'homme grassement rémunérées), la cinquantaine de missions principales offre une durée de vie confortable au solo de ce Red Dead Redemption (75% du solo complété en un peu plus de 20 heures de jeu, scénario terminé évidemment), qui, à défaut très particulièrement difficile, offre un challenge très relevé de part l'exhaustivité de son contenu. Au pire, lire le journal du jour, différent selon la ville dans laquelle vous vous trouvez, ou vous faire une petite toile dans un des cinés du coin pourront vous changer les idées le temps de quelques minutes de détente (et souvent d'humour).
« Red Dead Redemption s'arme d'un gameplay à toute épreuve »
Si d'aucun pourrait regretter le manque de grosse surprise de ce contenu énorme (où sont les bagarres de saloon homériques ou même les face à face triangulaires comme dans Le bon, la brute et le truand ?), force est de constater que Red Dead Redemption s'arme d'un gameplay à toute épreuve pour ne jamais faire baisser votre intérêt sur la durée. Vous êtes libre de choisir votre type de visée (assistée, semi-assistée ou auto) suivant votre niveau de tolérance à la difficulté toute relative du jeu, pour des gunfights nerveux sensiblement comparables à ceux de GTA IV, avec l'arsenal d'époque évidemment. Le mode Sang Froid, issu de Red Dead Revolver, vous permet en pressant R3 d'activer un ralenti bien pratique vous laissant la possibilité de viser de multiples points jusqu'à ce que la jauge se vide ou que vous décidiez de tirer. Pas vraiment original, ce système se révèle hyper pratique au final, surtout lorsque vous êtes chargé par trois grizzlys en même temps.
Le système de couverture est très classique et ne va pas sans son lot de ratés, mais reste globalement très efficace face aux hordes d'ennemis qu'il vous faudra dézinguer à l'aide de pétoires toujours plus efficaces au fil du jeu. Comble de la classe, le lasso vous permettra de neutraliser - sans tuer - la totalité des ennemis et même des chevaux sauvages que vous dompterez à l'envie. Toutes ces actions s'effectuent à pied comme à cheval, qui constitue évidemment votre compagnon de prédilection pour arpenter l'ouest sauvage. Si la « conduite » des canassons n'est pas aussi intuitive que dans un Shadow of the Colossus ou un Assassin's Creed, elle se fait globalement sans accroc : trot, galop et virages serrés s'effectuent naturellement, même si quelques bugs de collision viennent par moment nous rappeler à la dure réalité du jeu vidéo.
Ce contenu énorme et ce gameplay en béton s'accompagnent évidemment d'un monde ouvert gigantesque bluffant de réalisme dans sa composition. Chacune des 95 zones du jeu bénéficie d'un traitement particulier, complètement cohérent géographiquement. La position des reliefs, des courts d'eau et de la flore locale conditionne parfaitement le placement des routes et des sentiers, chaque zone étant évidemment convenablement garnie d'animaux sauvages à dépecer pour faire un peu d'argent de poche. N'espérez pas trouver de castors au milieu du désert, arpenté plutôt par les coyotes et les lapins, ou de grizzlys dans les montagnes mexicaines : chaque chose est à sa place dans ce Red Dead. L'immersion dans le monde ouvert de Red Dead Redemption n'a pas d'équivalent dans le jeu vidéo, celui-ci prenant même le luxe de ne jamais se dévoiler complètement aux joueurs pressés. Prenez le temps de fouiller et de trainer, vous serez sans cesse surpris du niveau de détail dont a bénéficié ce gigantesque environnement. Il faut bien dire que l'absence de grosse ville aide pas mal l'univers à imposer sa cohérence au joueur. On se contente aisément de cette multitude de petites bourgades et de lieux-dits oscillant encore entre la nature et le progrès, entre le vert et le gris. La ville de Blackwater, aux rues droites et au look industriel, tranche par exemple grandement avec les pueblos mexicains, anarchiques dans leur construction. On s'y croirait.
Un hit trahi par sa technique ?
Le réalisme qui se dégage du jeu est appuyé par une esthétique quasiment parfaite : l'alternance jour/nuit vous permet de profiter du formidable travail effectué sur les lumières, tandis que les panoramas extraordinairement beaux s'enchainent sur votre passage. On profite, grâce à ces changements de teintes, de tout le travail effectué sur la modélisation des décors. Jamais une ville fantôme ou un cimetière ne nous auront paru si réalistes ! Malheureusement, les moteurs Rage et Euphoria ont vraisemblablement pris un coup de vieux depuis GTA IV. L'affichage tardif récurrent des éléments du décor s'accompagne de remarquables baisses de framerate une fois en ville et d'un aliasing visible sans non plus être gênant. Certaines textures sont bien crades, à Thief Landing et Blackwater notamment, et les bugs de collision ou d'affichage sont nombreux. Malgré tout ces soucis techniques majeurs, Red Dead Redemption reste l'un des jeux les plus accomplis visuellement jamais vus sur consoles.
Il faut dire que les animations des personnages et des animaux sont d'une souplesse à toute épreuve ou presque, et que l'ensemble sonne remarquablement bien à l'oreille. Pour parachever leur œuvre titanesque, les équipes de Rockstar San Diego ont en effet accompagné le jeu de pistes sonores très réussies, qui si elles n'égalent jamais vraiment la pertinence des thèmes les plus entrainants d'Ennio Morricone, réussissent à toucher le joueur quelque soit le contexte. En plus des doublages parfaitement crédibles, Rockstar s'est également fendu de bruitages remarquables de réalisme. Il n'y a qu'à écouter les rapaces tournoyer au dessus d'un cadavre tout frais pour s'en convaincre. Ultime regret, qui mettra sur la touche les récalcitrants du moniteur haute définition : les sous titres sont minuscules. Il est toujours aussi difficile de les lire en pleine action, ce qui gâchera sans doute une partie du spectacle au non-anglophone.
Conclusion
Red Dead Redemption est au final tout ce qu'on attendait de lui : un excellent GTA-like sauce Far-West doté d'une ambiance ultra travaillée et d'un contenu gargantuesque en solo comme en multi (qu'il nous reste à essayer en version finale cependant). Le titre de Rockstar se paie même le luxe de compenser ses grosses carences techniques par une esthétique proche de la perfection et ses allers-retours incessants par un univers vivant et cohérent doté d'un écosystème bluffant. Red Dead Redemption fait donc figure de nouvelle référence du genre, quelques encolures devant un GTA IV qui prend du coup pas mal de rides. Vous voilà donc prévenus : Red Dead Redemption est bien le gros titre qui tache de ce milieu d'année. Enjoy !
Red Dead Redemption
Rockstar San Diego
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Réalisation | ||
Prise en main | ||
Durée de vie solo | ||
Gameplay complet et varié
Univers vaste et écosystème bluffant
Des quêtes intéressantes
Bonne dose d'humour
Esthétiquement réussi
Bande son dans le ton
Durée de vie énorme
Beaucoup d'aller-retour quand même
Sous titres minuscules
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