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Test Yakuza 3

Série relativement confidentielle en occident, Yakuza (Ryû Ga Gotoku au Japon) accueille aujourd'hui son troisième volet plus d'un an après sa sortie nippone et alors que le quatrième épisode débarque aujourd'hui même dans toutes les bonnes boutiques de l'archipel. Il faut dire que les fans de Kazuma Kiryû et sa clique de truands sont maintenant coutumiers des longs mois d'incertitude puisque Sega aura pas mal tergiversé avant de décider d'une sortie occidentale pour les épisodes 2 et 3. Mais nous avons assez ruminé comme ça, place à notre verdict sur ce troisième opus !

Kiryû va-t-il convaincre ?


Une fois de plus, le charismatique Kazuma Kiryû est rattrapé par son passé. Comme ce fut le cas au début du deuxième volet, le truand au coeur grand comme ça est sorti de sa retraite (ici, l'orphelinat Morning Glory) par ses anciens frères d'armes pour ramener un peu d'ordre à Kamurochô. En revanche, ce retour à la réalité tokyoïte ne se fait pas immédiatement : le premier tiers du jeu se passe en effet à Okinawa où Kiryû nouera des liens très fort avec le chef d'une des familles locales et son lieutenant. Ce premier tiers se veut d'ailleurs assez paisible et multiplie les petites missions sans trop d'enjeu, si ce n'est celui de veiller au bien-être des orphelins dont notre héros a la charge. Certaines tâches se révèlent assez rébarbatives mais, dans l'ensemble, cette première partie ensoleillée se grignote avec plaisir. Toutefois, vous vous en doutez, les choses sérieuses commencent vraiment avec le retour de Kiryû à Kamurochô. Là il devra démêler une sombre affaire impliquant yakuzas et officiels du gouvernement.

« Yakuza 3 déploie ainsi une histoire passionnante, pétrie des gimmicks d'un genre cinématographique à part entière : le film de Yak' »

D'emblée, la complexité de la trame tissée par Toshihiro Nagoshi et sa team attise la curiosité. C'est là la première grande force de la franchise : savoir captiver le joueur avec une histoire savamment élaborée où se côtoient mafieux et personnages publics et où la frontière entre les mondes - crapuleux et civil - est beaucoup plus ténue qu'il n'y paraît à première vue. Yakuza 3 déploie ainsi une histoire passionnante, pétrie des gimmicks d'un genre cinématographique à part entière : le film de Yak'. Le titre de Sega exploite avec bonheur l'imagerie de cette figure populaire japonaise en s'appuyant aussi sur une galerie de personnages que l'on croirait tout droit sortie d'un film de Fukusaku. On retrouve ainsi avec joie quelques fortes têtes de Kamurochô (Majima, Daigo) auxquelles vient se greffer un sacré casting de crapules introduit par cet opus : Rikiya, Kanda, Nakahara, Hamazaki, etc. Bref, une jolie collection de trombines aussi improbable qu'attachante servie, de surcroît, par le formidable travail des comédiens de doublage japonais.

En somme, jusqu'ici, c'est le sans faute. Mais, comme nous nous y attentions, Sega n'a pas profité de ce premier volet sur PlayStation 3 pour revoir ses ambitions à la hausse. C'est bien simple, entre les deuxième et troisième opus quasiment rien n'a bougé. Sans exagérer. On retrouve ainsi la même palette d'animations pour Kiryû, usée jusqu'à la corde par les deux premiers épisodes et déjà recyclée de Virtua Fighter. Les ravalement de façade et de faciès consentis par Sega - de fort belle facture soit dit en passant - ne parviennent donc pas à dissiper la constante impression de jouer à un simple remake du deuxième volet - du point de vue technique, s'entend. Les flâneurs qui ont arpenté Kamurochô des heures durant sur PlayStation 2 ne seront pas vraiment dépaysés par ce troisième épisode. Le fake quartier tokyoïte n'a pas non plus bougé d'une ruelle et a même perdu en attractivité puisque quelques établissements ont du fermer boutique dans cette version européenne de Kamurochô. Les érotomanes en rut seront ainsi au regret d'apprendre que tous les cabarets du coin ont été expropriés sans autre forme de procès. Scandale ! Seuls un ou deux strip bars miteux ont survécu, pas de quoi rassasier les plus lubriques. Pire, Sega a lâché un max de leste durant la traversée du jeu des côtes de l'archipel aux rivages de l'occident.

« Yakuza 3 version gaijin bazarde un tas d'activités secondaires et donc parfaitement indispensables »


 
En effet, Yakuza 3 version gaijin bazarde un tas d'activités secondaires - et donc parfaitement indispensables - tels le Mah-Jong, le Shogi, le quiz sur l'Histoire du Japon, et, nouvel outrage, la possibilité de dragouiller des escort ou encore de recruter des hôtesses au coin de la rue ! Cette dernière activité présentait pourtant un intérêt tout à fait inédit dans la série puisqu'après avoir embrigadé une nouvelle hôtesse le titre prenait alors les atours d'une petite simulation de vie : maquillage, garde-robe, coaching, Kiryû devait veiller au moindre détail pour faire de ses pouliches des hôtesses haut de gamme. Pourquoi avoir dépouillé le jeu de son côté pimp ? On peut avancer sans trop se tromper que Sega a été frileux au regard du caractère « sensible » de cette activité. Cela n'excuse pas la démarche, puisqu'il ne s'agissait absolument pas de proxénétisme. Bref, au bout du compte, cette version européenne de Yakuza 3 est beaucoup moins friponne que ne l'était celle de Yakuza 2, laissée parfaitement intacte par Sega. Quel dommage ...



Toutefois en dehors de cette inqualifiable atteinte portée à son identité, Yakuza 3 conserve l'essentiel de son charme. Mais un charme un peu désuet qui n'aura de prise que sur les fans de la licence et les nouveaux venus suffisamment charitables et bons clients du folklore yakuza. Car, sous ses airs de bac à sable aux proportions raisonnables, Yakuza 3 est en vérité un terrain de jeu rigoureusement balisé, un enclot verrouillé. Kamurochô a beau grouiller matin et soir, ses boutiques rester ouvertes à toute heure, l'interactivité s'avère toujours aussi limitée. Le nombre de lieux accessibles est tout simplement dérisoire au regard de la superficie du quartier. On a ainsi vite fait le tour des établissements en activité. Ce sentiment d'évoluer dans un quartier factice - à la limite du décor de cinéma - est d'ailleurs appuyé par la présence étouffante de murs invisibles marquant une démarcation franche et insurmontable entre Kiryû et son environnement. Un procédé purement old-gen et difficilement acceptable pour un jeu PlayStation 3. Alors bien sûr, une fois de plus, les fans feront plus aisément preuve de clémence. Mais même ceux-là doivent reconnaître qu'à ce stade de son existence, la franchise aurait du se défaire de ce genre d'archaïsme.

« Les innovations de cet opus se comptent déjà sur les doigts d'une main gantée d'un moufle alors si la moitié ne présente pas grand intérêt ... »


Un autre élément clef de la licence à laquelle Sega n'a pas jugé bon de toucher est le système de combat et les mécanismes de progression qui lui sont associés. Mais dans le cas présent nous ne lui en tiendrons pas - trop - rigueur. Car la baston de rue n'a rien perdu de sa saveur. Le gameplay reste donc inchangé de même que le plaisir de casser des bouches dans les ruelles de Kamurochô. Heureusement d'ailleurs car les rixes sont très - très - fréquentes, les petites frappes locales cherchant toujours le moins prétexte pour provoquer le ténébreux Kiryû. Il faut tout de même noter l'apparition de nouvelles Heat Techniques - réalisables quand Kiryû brûle son cosmos - et une nouvelle façon de les acquérir : via l'appareil photo de son portable, le yondaime pourra, lors de certaines séquences scriptées, prendre des séries de photos dont il devra ensuite extraire un cliché afin de s'inspirer du mouvement capturé par l'appareil. Fort de ce curieux enseignement, Kiryû pourra compléter son répertoire d'attaques d'une nouvelle Heat Technique. So nippon et donc gentiment barré



Du côté des rares nouveautés justement, on se montrera nettement plus circonspect face aux séquences de Chase Battle. A quelques occasions, Kiryû devra prendre en chasse des fuyards. Ces course-poursuites proposent un gameplay bien particulier : la touche R2 fait office d'accélérateur mais il faut malgré tout élancer notre héros en appuyant le stick vers le haut. Une prise en main pas vraiment aisée dans la mesure ou ces séquences se jouent un peu comme des petites courses automobiles. Dès lors, prendre des virage et esquiver les passants ne se fait pas sans quelques petites contorsions. De plus, au delà de ces menus problèmes de jouabilité, c'est surtout l'intérêt de ce genre de séquences qui est à remettre en question. A part une poubelle de temps en temps, les obstacles sont rares et, plus généralement, les courses-poursuites manquent terriblement d'entrain. En somme, les innovations de cet opus se comptent déjà sur les doigts d'une main gantée d'un moufle alors si la moitié ne présente pas grand intérêt ...

Conclusion

Premier épisode à voir le jour sur la génération actuelle, Yakuza 3 a tout du jeu old-gen joliment pimpé histoire de faire illusion. Mais l'effet est de courte durée et ce troisième volet (quatrième dans l'ordre des sorties japonaises) ne parvient jamais à propulser la licence vers un nouveau seuil de qualité comme on pouvait légitimement l'espérer. Il faudra donc se contenter d'un épisode visuellement plus attrayant mais, dans le fond, en grande partie identique à son prédécesseur. Encore qu'on pourrait même tempérer cette dernière affirmation : cette version européenne a été inexplicablement expurgée d'un certain nombre de lieux de débauche et d'activités aussi diverses que la drague d'escort girl, le recrutement d'hôtesses, les jeux de Shogi et de Mah-Jong etc. Reste qu'avec la complexité de son scénario, ses personnages terriblement attachants, son univers devenu si familier tout gardant de son exotisme, ses bastons toujours aussi récréatives et ses nombreux mini-jeux, Yakuza 3 ne manquera pas de rallier à sa cause les amoureux inconditionnels des deux premiers volets. Quant aux autres, seuls les plus charitables parviendront à faire fi des trop nombreux archaïsmes dont le jeu est perclus. Reste donc à espérer que le quatrième épisode redresse enfin la barre et impose la licence sur cette génération de machines. Mais ça, seul Nathan nous le dira ...


21/03/2010
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