Dead Island aligne de nombreux défauts qui risquent de passer sous silence l'expérience intense qu'il propose. Ce serait fort dommage...
Du développeur polonais Techland, on préférait pour l'heure se souvenir de leur premier Call of Juarez, FPS aux airs de western crépusculaire qui absolvait ses nombreux défauts par quelques scènes inoubliables. Dead Island est de cette trempe de jeux intéressants mais fragiles, qui prêtent le flanc à la critique. Son trailer promettait pourtant un mélange de survie en monde ouvert et de fulgurances dramatiques ; son game-design aussi, mélangeant FPS au corps à corps et structure en jeu de rôle sur une île paradisiaque à la merci du bon peuple zombie. Si Dead Island manque finalement à sa promesse, la faute à son budget modeste, il n'en recèle pas moins de passages à l'intensité mémorable, purs blocs d'action anxiogènes qui contrebalancent à eux-seuls les errements du game-design.
Réveil difficile
On entre dans Dead Island par un choix entre quatre personnages, avec chacun leur arme de prédilection (tranchante, contondante ou à distance). Si la sympathique mini-biographie de nos héros donne furieusement envie d'en savoir plus sur eux, autant le dire tout de suite, le jeu n'en tiendra pas compte un instant ; une belle occasion manquée qui donne la désagréable impression de glisser à la surface du scénario. Cela n'empêche pas Dead Island de démarrer comme un rêve pour gamer épris de récits de zombis : à son réveil d'une nuit alcoolisée (voir l'excellente cinématique d'intro), notre personnage découvre avec horreur les dégâts d'une épidémie de zombification, qu'il tentera de fuir tout au long d'une histoire parsemé de survivants aux doléances diverses et variées ; l'objectif in fine restant bien sur de s'échapper du mouroir géant que l'île est devenue.
Des couloirs de l'hôtel aux plages étouffées par un soleil mortifère, le moteur graphique laisse une impression ambigüe. S'il peine d'abord à cacher son obsolescence en matière de modélisations faciales - calamiteuses - et de bump-mapping, le travail sur les textures adoucit le constat dans la mesure où ces dernières, précises et agréables à l’œil, restituent les matières de façon convaincantes. Régulièrement, le jeu surmonte ainsi ses réelles limitations techniques pour afficher des panoramas à l'ampleur surprenante, comme cette baie scrutées des hauteurs de l'hôtel, se perdant à l'horizon. On passe aussi plus facilement les faiblesses des effets d'ombres et de lumières, que le jeu conjure à l'ancienne par un travail de composition esthétique constant.
Moteur physique en vacances
Il est nettement plus difficile de passer outre l'antique moteur physique, qui limite trop souvent la portée ludique du titre. La rareté des objets mobiles, probablement due à leur comportement défiant les lois de la physiques, réduit les interactions à une peau de chagrin. Du coup, le décor presque entièrement statique - à l'exception de la végétation - requerra forcément la bienveillance du joueur. Quiconque n’acceptera pas de se promener parmi des objets collés au sol à la super-glue peut dores et déjà passer son chemin. Le coup de grâce n'est pas loin lors des phases de conduite en véhicule, qui offrent certes la satisfaction d'écraser du zombie en toute impunité, mais laissent circonspect devant l'impossibilité de bousculer les obstacles sur la route, même à pleine vitesse.
Tout aussi gênantes, les limitations du moteur limitent drastiquement le nombre d'ennemi à l'écran. On affrontera rarement plus de six individus en même temps, ce qui n'est pas gênant en soi mais prive tout de même des scènes de foule forcément attendues dans un récit de zombies. L'implication du joueur est également mise à mal par quelques bugs résiduels, comme un respawn parfois défaillant qui peut nous faire surgir à deux pas de l'ennemi, ou le système de guidage sur la carte fréquemment aux fraises.
Forces et faiblesses du gameplay
Globalement épargnées par les bugs, les sessions de trucidage de zombies gratifient le joueur d'un début difficile.
On se résout d'abord au slalom, avec pour seule arme un bout de bois que l'on agite devant soi au petit bonheur de la chance, explosant quelques têtes au passage. Chaque coup entame la jauge d'endurance qui permet également de courir ; il faut donc apprendre à freiner son zèle et à ne pas spammer la gâchette, pour éviter de se retrouver essoufflé au milieu de la mêlée. En l'absence d'équipement efficace, un coup de pied très pratique permet de temporiser l'action en bousculant l’agresseur. Autre source de danger,
les armes s'usent et se cassent à force de coups, obligeant à trimballer la rechange avec soi pour pallier à toute éventualité. En plein cœur de l'action, un menu radial entièrement paramétrable permet d'en changer ou de se soigner à la volée aussi simplement que l'on combat.
Cette simplicité du système de jeu est d'ailleurs sa première force, source d'une satisfaction immédiate.
Membres, scalps et mâchoires ne tardent pas à voler sous une tempête de coups dont les animations restituent pleinement la physicalité. Mais la jubilation offerte par un tel débitage de boucher n'a qu'un temps, et ne se suffirait pas à elle-même si le jeu n'organisait quelques variations dans les affrontements. A la manière des spéciaux de Left 4 Dead,
on ne tarde pas à croiser berserker, zombies véloces et autres kamikazes, dont il faut déceler les faiblesses pour survivre. Souvent vicieusement placés au beau milieu d'un couloirs, ils lâchent en contrepartie une récompense à la hauteur de l'effort, aussi bien en terme de points d'expérience que d'armement.
Pour faire varier les plaisirs,
il est également possible de modifier son équipement en y accolant des modules aux facultés diverses, qui vont de l’électrocution aux dégâts de feu ou de poison. Loin de n'être que périphériques, les joies de la
customisation passent aussi par un arbre des talents propre à chaque personnage. Il propose ici d'approfondir son approche selon trois branches : l'amélioration de la rage, la maîtrise de l'arme de prédilection et le perfectionnement de compétences générales. On goûtera tout particulièrement ce système de progression typé
rôle-play dans le mode multijoueur, où chacun pourra se spécialiser selon les forces requises par l'équipe. Il est même possible de se façonner
un tank, un DPS à distance ou au corps à corps, en vue d'une coopération dans l'action.
La faiblesse majeure du système de combat vient finalement du peu d'options dont le joueur dispose pour moduler son attaque.
Les armes à feu, clairement pas centrales, ne trouvent une utilité que lors des affrontements contre des pillards humains, heureusement assez rares. Ailleurs, l'assaut se mènera toujours à peu près de la même manière :
un coup de savate pour mettre à distance, une frappe en avançant, tout cela dans le flou d'une visée approximative où brille surtout l'absence d'une mécanique d'offensive et d'esquive vraiment rigoureuse. L'approximation est aussi la règle pour juger de la portée d'un coup, obligeant parfois à s'y reprendre plusieurs fois avant de trancher comme prévu. Pour autant, aucun de ces défauts ne suffit à altérer l'atmosphère délétère qui leste nombre de séquences de jeu d'une tension rare. Derrière ce titre aux atours mal dégrossis se cache en effet une expérience longue et intense, qui mérite votre attention..
Quêtes inégales et moments de bravoure
La belle durée de vie du jeu - plus d'une vingtaine d'heures en solo - peut d'abord s'appuyer sur les nombreuses quêtes principales et secondaires, qui proposent des objectifs de circonstance : ravitailler une
safe-house, coller les affiches de disparus dans la ville ou bien escorter des PNJ en sureté constitue ainsi le lot quotidien du joueur tout au long des quatre actes que compte le jeu. En récompense,
de belles pièces d'équipements permettent d'encaisser la grosse montée en difficulté constatée à l'abord du chapitre 2. Passage obligé du
leveling, ces quêtes ne sont malheureusement pas toutes passionnantes, en particuliers lorsqu'elles consistent en de laborieuses collectes d'objets.
Certains objectifs s'avèrent tout de même plus gratifiant, surtout lors des deux premiers actes qui orchestrent quelques glorieux moments de bravoure. S'il faut définitivement faire le deuil de leur profondeur d'écriture réduite au minimum syndical, les missions principales parviennent à leur meilleur
à canaliser l'action de façon remarquable. Par canaliser nous voulons dire, mettre en place le cadre de la scène à venir. L'outil de cette canalisation, c'est avant tout
la portion de l'environnement qui sert de décor à la quête - une route à flan de colline, une enfilade de rues, un couloir d'hôtel. Par un parcours judicieusement tracé, l'itinéraire semble s'y resserrer en un étau funeste d'où le danger peut surgir à chaque instant.
Que
de simples parcours, par leur sens aigu de la scénographie en décor réaliste, parviennent à construire une telle tension est en soi un bel accomplissement dont peu de jeux peuvent se targuer. Le mérite en revient principalement au
level-design, souvent crédible et esthétiquement inspiré. Du littoral montagneux abritant le complexe touristique à la ville dévastée reléguée à quelques kilomètres de là, les zones de jeu concilient en effet sens du détail juste - voir les alentours des piscines dès le départ - et espaces ouverts sans nuire à l'authenticité du décor. Il faut voir par quelles articulations invisibles les lieux singuliers se succèdent, épousant les contours d'une topographie montagneuse comme le feraient de vraies constructions. D'une consistance rare, les environnements sont simplement la condition de la densité de l'expérience, et assurent un voyage mémorable.
Pour en dire un mot,
le mode coopératif s'avère quant à lui plutôt plaisant et convivial, permettant de vaquer à ses occupations autant que de joindre ses forces dans un
run partagé. Fonctionnel et sans lag majeur, il offre dores et déjà une rallonge à la durée de vie déjà conséquente de ce Dead Island imparfait mais attachant.
Conclusion
Certes, le dernier jeu de Techland n'est pas encore ce chef d’œuvre rêvé du survival que les ambitions démesurées de son développeur laissaient espérer. Pour y trouver son compte, il faudra d'abord tolérer une réalisation technique d'un autre âge, et les limites d'un système de combat à l'arme blanche un peu approximatif. Rien de tout cela n'empêche pourtant Dead Island de poser son atmosphère singulière, grâce à un emploi intelligent de décors mémorables, parfois juste magnifiques. Pour son sens de la scénographie du danger combiné à un level-design de grand talent, cette aventure sous les tropiques riche en expérience marquante mérite l'attention des amateurs du genre, malgré un game-designen dent de scie ... d'autant qu'un mode coopératif de qualité permet de partager à plusieurs les frissons de la survie en milieu hostile.
Les +
Les -