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Test Ken Le Survivant

Des jeux de baston 2D moisis de la Super Famicom aux « kitchs mais cultes » Last Battle et Black Belt de la Megadrive et Master System en passant par le jeu de baston à la Guilty ainsi que le tapotage rythmique sur DS, Ken peut survivre à tout, même parfois à la honte. Mais la nouvelle qui suit va jeter l'effroi sur tous les fans de Ken le Survivant, un choc psychologique aussi fort que la découverte de la non-existence du Père Noël. Hokuto Musô (baptisé « Ken Le Survivant » chez nous) avait pourtant toutes les cartes en main et on est au dessous de la déception. Voici l'autopsie d'un rendez-vous manqué.

Le métissage rêvé

Dans les faits, Hokuto Musô est une adaptation miracle, le mélange inespéré de deux mondes qui n'auraient jamais dû se rencontrer. Le plus connu, c'est Ken Le Survivant, la série animée culte des années 80 qui a déclenché l'ire de toutes les ligues de vertu et de moralité lors de sa diffusion lors de nos mercredis après-midis, encadrée par Dorothée. Ken, c'est le sauveur de l'humanité qui va frayer avec ses poings son chemin dans un monde dévasté. « Dans le chaos des esprits, contre les fous les bandits ! » comme nous le chantait le générique, ce qui résume assez bien ce qui s'y passe. Droit dans ses bottes, Ken faisait implacablement éclater les crânes de ses adversaires en faisant « atatatatatata ! ». Ses adversaires ne le savent pas encore, mais ils sont déjà morts quand gonflent leurs organes jusqu'à exploser comme des boutons purulents. On va faire simple pour les plus jeunes : Ken, c'est Jésus avec des couilles.
De l'autre, on a le style « Musô », le concept « Dynasty Warriors » (la poule aux œufs d'or de Koei dans les années 2000) qui avait poussé le beat-them all jusqu'à le rendre massif. Plus que quelques petits fantassins, c'est une armée entière qui se réunit sous vos armes (si possible dans un petit espace compact), pour que vous puissiez les envoyer valdinguer par paquets de douze. Un massacre. Après 6 épisodes majeurs avec des généraux chinois, un peu moins avec les leaders japonais et deux seulement avec les robots de Gundam, l'éditeur a décidé d'adapter le monde chaotique de Ken aux exigences de son jeu d'action massivement massif. Mais comme pour l'alcool, les mélanges peuvent parfois mal tourner.

« Dès le début, on sent que quelque chose cloche »

La rumeur raconte que Koei a sérieusement envisagé d'atténuer la violence de son jeu. L'éditeur promet d'ailleurs une version un peu plus corsée pour l'occident ; mais derrière cette anecdote, on pourra constater toute cette incompréhension manifeste pour l'œuvre originale. Pourquoi édulcorer un des aspects fondamentaux d'une série qui vit par et pour son extrême violence ? Les modèles 3D des personnages ne sont pas très beaux, c'est un acquis. Ce n'est pas une question de doubleurs, les originaux ayant tous été malheureusement remplacés depuis quelques années, vraisemblablement pour cause de jeunisme. C'est plus fondamental que ça. On arrive à toucher le problème du doigt quand on voit Ken se balader comme un robot dans un décor vide, un missile sous le bras. Ou quand une chute de sacs de sable fait plus mal que les poings destructeurs de la glorieuse école du Hokuto. Comme un quiproquo.

Ken Le Survivant
Dès le début, on sent que quelque chose cloche. Dès l'intro, pas vraiment jolie. Et puis il y a la gueule même de Kenshirô. Il est désormais vêtu d'une combi cuir de motard décorée par des flammes dignes d'un magazine de tuning (ou de « bolidage » comme nous le suggère le secrétariat d'État de la Francophonie). Et puis il a des chaines bizarres - peut-être des boules de geisha - qui pendent à sa ceinture. Un vieux dicton dit « Pourquoi réparer si c'est pas cassé ? » ; là Ken se tape une nouvelle carrosserie que l'on pourra heureusement changer au profit du costard original, à télécharger. Le fameux bleu de travail sobre éclate de toute façon quand il se met en colère.

Peut-être n'est-ce qu'un caprice de fan. Mais le ton est donné : Hokuto Musô reprend quelque chose qui fonctionnait bien et le transforme à la sauce HD 2010. Ken n'est pas le seul à changer de look. Mamiya passe de sa combi orange très japanim' des années 80 à un ensemble cuir-mini jupe transparente. L'influence de Tecmo (la société qui vient de fusionner avec Koei et à qui l'on doit la série distinguée des Dead or Alive à la plage) se fait sentir dans chaque morceau qui se déchire. Et tant qu'à fétichiser notre fière guerrière, elle disposera (contrairement aux hommes) de « la capacité de ramper dans les passages étroits ». Là d'où la vue est bonne. Le DLC payant arrive, gros comme une maison. Mais finissons là notre aparté « Pimp my Ken » pour passer au drame, le reste.

Ken Le Survivant
Ken Le Survivant
Ken Le Survivant
Un jeu un peu bâclé, une fête un peu gâchée

« Le plus oppressant, c'est le silence »

Il y a deux modes bien différents, comme dans Dynasty Warriors : Gundam. Le préféré de tous, c'est généralement le mode « officiel » où l'on revit la même chose que dans la série. L'autre, ce sera un choix de scénarii alternatifs où les persos s'affronteront sur les champs de bataille. Pas de logique, tout pour la baston. Malheureusement, le premier est assez foiré. Ken (ou plus tard ses partenaires que l'on aura débloqués) avance pas à pas dans des mini-zones. Un paquet de punks à tuer et c'est la porte suivante qui s'ouvrira, comme par magie. Presque acceptable si le level design n'était pas absolument calamiteux. Des murs invisibles, des portes « décors de cinéma », des grilles minces mais infranchissables... Niveau frustration, Hokuto Musô nous fait la totale.

Ça empire quand arrivent les éléments dits de plateforme, où le pauvre Ken essayera de ne pas tomber tandis que la caméra décide de nous montrer à quel point elle est faillible. Les bouts de cailloux pour éviter de tomber dans de l'acide qui brûle les pompes, l'esprit Ken le Survivant en prend un coup. Mais le plus oppressant, c'est le silence. Il y a très peu d'ennemis, les niveaux trainent en longueur, on s'ennuie et la musique, lassée de jouer toujours les deux mêmes accords de guitare électrique décide de nous laisser dans le silence. Même pas question d'avoir la musique originale (dont on n'entendra d'ailleurs que le générique « Ai o Torimodose ! » en version instru remixée). Ce silence, c'est aussi dérangeant qu'un acteur au théâtre qui oublie son texte. Le frisson du vide.

On n'a jamais autant souhaité avoir des adversaires, même du menu fretin venant s'écraser contre nos poings. À titre d'exemple, le moindre épisode récent de Dynasty Warriors nous permet en général de laminer un millier de guerriers en une trentaine de minutes. Ici, on lutte pour bousculer à peine 250 pèlerins en une heure et demie de jeu. Il y a comme un problème de débit. Pour la première fois de la série, il n'y a même plus d'horloge, de peur de rappeler aux joueurs le temps qu'ils perdent à tuer une poignée de dégénérés. Le pire, c'est que Ken est lent comme une mouche tombée dans le miel et que ses coups les plus puissants sont ponctués de ralentis. Mais qui est le fou qui a eu l'idée idiote de ralentir encore plus le rythme de ce jeu ?! Quand on voit la longueur des niveaux et la vitesse à laquelle on met à tuer les quelques dizaines de punks post-apocalyptiques qui sautent bêtement comme des cabris, on lève les yeux au ciel. Le seigneur Ken a décidé de nous faire souffrir.

« Les disciples du Nanto sont heureusement bien plus dynamiques »

Contrairement aux Dynasty Warriors où le général ennemi vous affronte au milieu de son armée, Hokuto Musô nous propose des duels mano a mano plus martiaux, des huis clos où l'on trouvera quand même un gigot pour l'énergie et une boisson pour son aura. Les attaques Musô, assez inutiles contre vos ennemis nihilistes à cause d'une portée généralement ridicule, pourront enfin vous sauver la mise puisqu'elles interrompent forcément la pluie de gnons que vous inflige votre adversaire. De quoi rendre supportable la répétition des plans de caméra, sympas seulement la première fois. Et histoire de prouver à quel point Hokuto Musô a tout faux, chaque adversaire sera achevé à l'aide d'un glorieux... Q.T.E. Et si par malheur on se goure, le bâtard adverse reprendra la moitié de sa vie. Grotesque.

Ken Le Survivant
Il serait injuste de faire porter à Kenshirô la culpabilité de ce fiasco. Les autres personnages s'en sortent généralement mieux. 14 missions pour finir l'histoire de Ken, la soixantaine tous confondus, l'offre est honnête. Certes, Toki qui se bat avec une technique Hokuto encore plus Zen que Ken endort aussi sûrement qu'une soirée électorale du premier tour des Régionales. Les autres, les disciples du Nanto sont heureusement bien plus dynamiques. Ça crie, ça découpe du punk décadent, Rei et Shin raviront les amateurs d'efficacité certifiée Ginsu 2000. Même Mamiya dont les super techniques Musô nettoient mieux les racailles autour d'elle que Ken. Notre héros est devenu un faire-valoir dans son propre jeu. Un sidekick, comme le Robin de Batman. Et ça, c'est la honte.

Hokuto-rrent de montagne

Le mode Alternatif, même s'il ne reprend en rien les histoires canoniques de la série, ressemble heureusement plus à un Dynasty Warriors traditionnel. C'est même le seul mode jouable à deux, avec un écran partagé à la verticale. On n'y voit pas grand-chose, mais au moins, basta les petits terrains entrecoupés de portes frustrantes. On est libre de massivement frapper. Ouf. Il n'y a d'ailleurs pas que des mauvaises initiatives dans Hokuto Musô. Le système de notation est assez clair même si la meilleure note s'obtient en refouillant les niveaux dans tous les recoins, en revenant sur ses pas dans des coins déjà déserts. Synonyme : ennui. Il y a aussi cette charmante petite jauge qui s'affiche au dessus de chaque boss et sous-boss pour indiquer quand la garde de ceux-ci explosera. Mieux encore, le système d'évolution s'inspire directement du sphèrier de FFX / Crystallier de FXIII et on prend vraiment plaisir à débloquer de nouvelles techniques ou à booster ses aptitudes. Avec le temps, on pourra enfin équiper son personnage de technique « Musô » dont le champ d'action dépasse les 2 mètres.

Ken Le Survivant
On peut se demander comment un tel produit a pu sortir des studios de Koei. Que s'est-il passé ? Les Dynasty Warriors et leur gameplay travaillé sont habituellement le résultat d'Omega Force, un studio qui est un peu le « Treasure » du jeu d'action massif. Ils maitrisent, ils goupillent leur affaire, ils savent ce qui marche ou pas. Malheureusement, ils ne sont pas du tout impliqués dans ce projet. La raison la plus vraisemblable de cet accident industriel est sans doute la panique causée par l'imminence de la sortie du jeu, dont les réservations sont allées au-delà des espérances de Koei. Tout ça à cause d'une horloge parlante qui fait « attatatataa » fournie dans le coûteux pack de luxe. Impossible de reculer. Mais vu le nombre de boites écoulées, Koei ne manquera pas l'occasion de pondre une suite qu'on espère, doux euphémisme, déjà un peu meilleure.

Conclusion

Hokuto Musô fait ressentir comme très rarement cette tension causée par les impératifs financiers d'un jeu. Parfois survolé par un soupçon d'idée intéressante, ses aspects fondamentaux fricotent trop souvent sous la barre du médiocre pour lui chercher des circonstances atténuantes. « Fan de Ken », « fan de Musô », rien n'y fera. Ça ne tient tout simplement pas la route. Hokuto Musô va trainer un boulet à jamais, celui d'avoir manqué l'impensable, le mélange des jeux de baston massifs Dynasty Warriors et du monde violent de Ken. De l'école « Hokuto à pain », on tutoie trop souvent une vraie « Hokutorture ».

Jeuxvideo.fr


08/04/2010
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